Artiste lyonnaise aux 1000 parcours qui arbore une chevelure flamboyante, Li$on nous offre depuis quelques années une proposition musicale rafraîchissante, à travers une vision qui se distingue dans le paysage du rap. Tant dans sa musique que dans son art visuel, cette âme captivante rassemble et nous embarque au rythme de ses aspirations.
Au détour d’une discussion, LI$ON nous a plongés dans son univers bien léché. Pour elle, l’inspiration n’est pas un processus linéaire ou contrôlé, mais plutôt un flux d’énergie et d’émotions qui se manifeste spontanément.
Cette capacité à s’imprégner de l’inhabituel et de l’inattendu lui permet de créer des œuvres qui dépassent les conventions et captivent par leur originalité. Entre influences rock et rap, Li$on se laisse guider par ses instincts, naviguant entre différents médiums et styles pour donner vie à une vision artistique unique. (Re)découvrons ensemble l’univers de cette “entité” inspirante.
Pour ceux qui te découvrent à travers cette interview Li$on, tu es originaire de Lyon, tu as commencé la musique par le piano dans ton enfance et tu as eu un groupe de rock durant ton adolescence avant de te lancer en solo en tant que rappeuse il y a quelques années.
D’un autre côté, tu as toujours voulu être illustratrice. Comment vis-tu cette dualité ?
Depuis petite, l’Art m’a toujours fasciné. Je ne me suis pas posée la question de savoir si dans ma vie, je voulais être musicienne ou bien illustratrice. Je pense qu’on ne peut pas vraiment parler de dualité, car les deux ont toujours été complémentaires.
Aujourd’hui, je peux gérer ma DA par moi-même grâce aux bases que j’ai en illustration et en graphisme. Je vois ça comme une énorme chance de pouvoir avoir ma propre vision, et de pouvoir la projeter dans tous les domaines. Il n’y a pas d’intermédiaire entre mon imagination et la concrétisation visuelle de LI$ON.
Est-ce que tu peux nous expliquer ton développement artistique?
Je dirai qu’il y a deux chemins qui se sont parallèlement dessinés dans ma vie.
Le rock, j’ai grandi avec. Je suis de l’époque Skyblog, myspace, MTV et MSN. Y’avait vraiment une influence des States, le Canada avec tout le mouvement emo et leurs musiques sur-vocodées. Parallèlement, le melo-hardore, le punk et le métal prenaient toute la place. La mentale, c’était sortir des cases et s’affranchir des codes… J’ai grandi dans cette école-là.
Mais à côté de ça, je suivais une formation classique de piano : j’ai beaucoup d’influences différentes.
La première facette du rap que j’ai découverte, c’était le rap à l’ancienne : The Notorious Big, Tupac, tout ce qui appartenait au boombap. La mélancolie, le noir et blanc, les buildings. J’aimais trop ça. Après, j’ai découvert Soulja boy, Future… et mon premier contact avec le rap fr c’était tard, mais pas des moindres puisque c’était PNL.
Quand je suis arrivée au bout avec mon groupe de rock sur ce qu’on pouvait développer, j’ai eu un éclair de lucidité : j’avais envie d’expérimenter, de découvrir de nouveaux moyens d’expressions, c’est là que j’ai décidé d’entamer le chapitre LI$ON. S/O à mon manager Gus qui m’a accompagné pendant 9 ans ! Il m’a permis d’avoir une énergie sans faille et de découvrir et construire un bagage musical solide.
Avec toutes ces différentes sources d’inspirations musicales, quel est ton processus de création lorsque tu imagines un projet ?
Je ne pense pas avoir de processus créatif. Je dirais plutôt que j’agis par instinct.
Quand je commence à créer une chanson en stud, je ne m’assois pas en me disant: “Aujourd’hui, je parle de ça.” C’est un surplus d’émotions que je dois extirper, qui a besoin de sortir, peu importe la forme.
Au fil des écoutes, je vais commencer à visualiser les choses, et c’est à ce moment-là que le monde est en train de se dessiner, dans le track ou le projet.
Sinon, ce qui m’inspire le plus, ce sont les expos d’art contemporain. J’aime aussi digger des docus autobiographiques, des archives, analyser des mouvements des années 50 aux 90’s… Voir ce que reflète la société, ça permet de mieux la comprendre. J’aime les docus un peu “bizarre”, quand on sait pas où ça veut nous mener.
Finalement, c’est des éléments qui cohabitent ensemble et qui créent quelque chose d’étrange, qui nous dépasse, et ce qui n’est pas toujours intelligible, c’est ce qui m’inspire le plus.
Tu sembles très attachée à l’art plastique, as-tu des artistes qui t’émeuvent particulièrement ?
Tu as déjà fait pas mal de scènes à Lyon, comme la première partie de Bonnie Banane. On te retrouve aussi le 30 novembre avec Jaymee et Mandyspie à l’occasion de la Kaj#4.
Est-ce que tu as des affiliations avec la scène lyonnaise?
La 1ère partie de Bonnie Banane, c’était la première date où je suis vraiment “arrivée” dans le paysage artistique en tant que LI$ON. Je crois foncièrement que dans toutes les dates que j’ai pu faire depuis, c’était la meilleure en termes de performance. Même la salle était exceptionnelle, c’était trop bien.
Après celle-ci, j’ai eu l’occasion de faire des concerts dans les plus belles salles de Lyon. J’ai eu de la chance, parce qu’on a fait des formats très différents à chaque fois, et ils étaient réussis.
Ceux que j’ai préférés, c’est les formats clubbing : tu commences ton show tard, les gens savent pourquoi ils sont là même s’ils te connaissent pas et le public est toujours réceptif. J’ai fait une grosse date dans un club lyonnais qui s’appelle “Le Sucre”. C’était un set d’une heure avec Konbini (“69 degrés”), un des meilleurs. Le co-plateau avec 1863 aussi c’était l’un de mes préférés.
C’est une ville épanouissante pour toi en tant qu’artiste ?
Je suis très mitigée là-dessus. Je n’y ai jamais vraiment trouvé ma place à titre personnelle en tant qu’humain. J’ai pas l’impression d’être vraiment entière ici.
Selon moi, à Lyon, l’Art devrait prendre plus de place au sein de la vie culturelle, il faudrait donner plus de moyens aux artistes qui y résident… Il y a beaucoup à faire.
Je pense aussi au fait que la barrière de la langue est réelle. Je chante en anglais, ce qui peut bloquer mon projet parfois. J’ai l’impression que je ne m’exprime pas de la même manière en français qu’en anglais, c’est un travail que j’ai envie de maîtriser.
Justement, on retrouve des sons en français et en anglais sur WEAPONS, sorti en 2023. C’est une proposition assez rare en France !
Qu’est-ce qui t’as donné envie de présenter un projet bilingue ?
L’anglais, c’est une langue avec laquelle j’ai grandi. Mes parents me parlaient en anglais quand j’étais petite : on m’a éduqué avec cette langue en parallèle du français.
En termes de sonorités, j’ai trouvé ça plus adapté au style de musique que je faisais. C’est venu naturellement et c’était aussi une façon de me censurer un peu. Je me sentais plus libre de dire des choses quand c’était en anglais.
L’intégralité de ma discographie était d’ailleurs en anglais jusqu’à Weapons, où j’ai sorti des sons en français notamment avec Bli$S et Berlin (2023). C’est comme ça que j’ai introduit une nouvelle façon de présenter ma musique et d’écrire. Beaucoup de gens m’attendaient sur ce créneau, donc je me devais d’essayer.
Au début, je voyais ça comme une contrainte : on me sortait vraiment de ma zone de confort. Aujourd’hui, je comprends définitivement le plaisir pour un artiste sur scène d’avoir le public qui chante avec soi.
J’ai pas envie de basculer dans un registre full français, mais j’aime bien mélanger les deux.
Quand on dig un peu sur toi, il y a des termes qui reviennent beaucoup comme “lunaire”, “cloud rap”… Est-ce que ce sont des termes qui te définissent bien, toi et ta musique ?
Oui, j’aime bien qu’on me définisse comme ça je crois, étant donné que je n’arrive pas à le faire moi-même.
Ton projet 5150 a été réalisé en collaboration avec le beatmaker Taemintekken. On a d’ailleurs pu revoir une collaboration entre vous cette année sur Roger Rabbit. C’est une personne qui t’a aidé dans ton évolution ?
Effectivement, quand j’ai commencé le projet LI$ON en 2018, j’ai sorti une première tape solo qui s’appelle Sunday Scaries et j’ai très vite enchaîné avec des coprojets avec deux personnes, qui sont devenues très vite des amis. Je pense à High Teig et à Taemintekken.
High Teig avec qui j’ai travaillé sur mon projet cherrybomb et son projet Vision. Et Taemintekken pour les 3 volets de 5150 (5150 pt.II et The Great Shift) ainsi que le dernier single que j’ai sorti cette année qui s’appelle Roger Rabbit .
J’apprécie de tout coeur ces deux artistes, une amitié sincère s’en est dégagée très tôt. On s’est rendu compte qu’en travaillant ensemble, on partageait la même fréquence, et qu’on pouvait créer quelque chose qui avait du sens.
Tu as été activiste dans le passé notamment pour la cause animale.
Vu la conjoncture actuelle en France et en tant qu’artiste rap, ça te semble important pour un artiste de sensibiliser ses auditeurs, d’être quelque part politisé ?
Je suis toujours impliquée dans la cause animale, mais dans un degré différent aujourd’hui. J’ai commencé par être activiste dans le mouvement 269 avec lequel on faisait des sauvetages d’animaux d’exploitation, où on bloquait les abattoirs… Aujourd’hui, je m’implique différemment pour beaucoup de raisons.
Les artistes ont le devoir de reprendre des messages aussi engagés soient-ils. Je pense qu’il faut se servir de ce pouvoir qu’on a le privilège d’avoir pour prendre position. C’est une nécessité.
Pas qu’il faille absolument le faire pour tous les sujets. Mais si c’est quelque chose qui réside en nous, habite l’âme, notre devoir d’artiste, c’est de défendre une perception, de transmettre un message de la plus pure manière qui soit, de laisser une trace durant son existence.
Quels sont tes objectifs pour l’avenir ?
Évoluer et grandir encore plus. Trouver ma place physiquement là où je me sens bien, vivre.
Et secret pour la suite, je peux dire que mon mac est plein de doss :))) bisous<3
Propos recueillis par Héloise Leleux