Jaafar de Rounhaa : L’amour et la contradiction

Deux ans après la sortie du très réussi Mobius, Rounhaa est de retour avec Jaafar, son deuxième disque. Un album singulier, teinté d’amour et d’introspection qui nous plonge dans l’univers contradictoire de l’artiste suisse.

Ce vendredi 24 janvier, Rounhaa était de retour avec la sortie de son deuxième album Jaafar. Un album singulier dans la forme, qui parle de thématiques universelles comme l’amour ou bien la foi. Un album abordable donc, mais qui se veut sophistiqué, et singulier.

L’amour et la sensibilité comme leitmotiv

Signé chez Sublime, le label de Disiz, Rounhaa semble avoir hérité des thématiques de son ainé. Dans Jaafar, l’amour et les émotions sont au centre du projet, tout comme ils le furent dans Mobius. Seulement, ici, le rappeur de Genève a épuré son propos, comme si sa vulnérabilité, seulement, devait être au centre de tout son disque. 

Dans sa musique, le Suisse n’a de cesse d’évoquer ses sentiments envers sa femme ou bien sa famille : « J’ai les yeux de ma mère / le reste t’appartient »,  (TOTENINSEL), « Depuis que je l’aime je ne vais pas changer de thème » (BRUTAL)

Tout en reconnaissant ses nombreuses maladresses et son mutisme dans la vie réelle, il se questionne sur le sens de ses émotions, et de ses relations.

« Je fais bien la haine, l’amour je suis moins fort. » 

Pour cela il n’habille son écriture d’aucun artifice quelconque.  Son propos est direct, épuré, pour ne laisser place qu’à l’authenticité. Dans Yasmeen, on peut entendre sa petite sœur, lui demander de qui il parle sans cesse dans ses morceaux. Le morceau est dédié à sa femme et retrace le chemin parcouru avec elle. « Viens on tombe amoureux avant qu’nos intentions se dévoilent », « Ne me fais pas promettre / Quand j’dis rien, c’est là où je suis honnête », « J’t’ai expliqué un genou à terre, tu m’as donné le doigt / Tu m’as juste donné le doigt ».

Haroun et ses contradictions

Difficile de passer à côté des nombreuses références religieuses dans cet opus. Par le titre déjà. Dans l’Islam Jaafar est un cousin et un compagnon du prophète Muhammad. Particulièrement éloquent, il fut l’un des messagers de la parole de Dieu, se fit connaître et reconnaitre par sa grandeur d’âme et sa générosité. Des vertus auxquelles les croyants aspirent et dont souhaite surement s’inspirer Rounhaa.

Seulement, ici, on le retrouve tiraillé. Musique et Dîn, amour et méfiance, le rappeur genevois n’a de cesse de dévoiler ses contradictions. Son métier de rappeur qu’il concilie avec l’islam n’est pas un thème original dans le rap. Et pourtant, il transcrit sa pensée efficacement. « Tu dis qu’t’aimes bien ma ‘sique, que tu comptes sur moi, j’te dis « Pardon » avant d’dire « Merci ». » (LOVE DEATH ROBOT), «J’ai pas fait ma prière, ma p’tite sœur s’est voilée » (LE FRERE DE MOISE)

Dans GRIS TANGER, ses contradictions touchent même son rapport à ses proches. Dedans, il affirme ne vivre que pour sa famille, et plus loin ne pas les voir souvent. « Ça fait longtemps qu’je doute, que j’ai pas vu ma mère », mais comme il le dit plus tard dans le morceau «C’est pas blanc, c’est pas noir, c’est très souvent gris. » Une phase, qui fait de lui quelqu’un d’humain, tout comme son disque.

Des sonorités audacieuses comme dans Mobius ?

Sur la forme, on retrouve un Rounhaa audacieux à l’instar de MOBIUS. Entourés d’Amne, Abel 31, LUCAS V, mais aussi BKH, Augustin Charnet, Abdellah Akachour, Abdemassad Boussahfa & Mhamed El Menjra à la production, il s’illustre une nouvelle fois par des sonorités qui lui sont propres.

On le sait, le Suisse aime se distinguer et trouver de nouvelles mélodies. « Je suis toujours OPEN à toutes sortes de flow et de sons », expliquait-il dans Konbini

Dans Jaafar, le pari est réussi. L’ambiance est sombre, mise en exergue par des hauteurs de sons différentes au sein des mêmes morceaux. Les effets sur la voix et les glitchs accompagnent son propos en fin de phrase comme de la ponctuation. On le retrouve même sur une balade mélancolique dans TOTENINSEL, qui est non sans rappeler celles que l’on pourrait écouter dans l’Amour de Disiz. 

En somme, les sonorités et les mélodies ne sont la résultante que du travail méticuleux de toutes les parties prenantes du disque. On le sent, Rounhaa et son équipe se sont cassés la tête pour nous offrir un album intimiste et singulier.

Comme si après le succès de son premier opus Mobius, il voulait que Jafaar soit un socle sur lequel s’appuyer pour le reste de sa carrière, en nous parlant de Haroun, tout simplement

Album jaafar de rounhaa
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