Particulièrement productif ces derniers mois, Jungle Jack se distingue au fil de ses projets par son style authentique. Rimeur précis et bon vivant, le rappeur du 20ème arrondissement de Paris plonge l’auditeur dans son monde. Celui où l’écriture sert à rendre grâce à la bonne bouffe, aux spiritueux, et à Ménilmontant.
À la première écoute, l’auditeur non avisé peut être un peu perdu. Pourtant, c’est bien à la réécoute que la musique de Jungle Jack prend tout son sens. Comme si le rappeur du 20ème arrondissement invitait son public à s’asseoir près de lui pour partager sa vision de la vie. Une vie où la bonne bouffe, les spiritueux et la philosophie ont toute leur place. Dans ses sons, Jungle aime décrire son environnement, ses excès, avec une conscience déroutante de sa propre personne, le tout valorisé par un style irréprochable et une discographie plus que solide .
“Menilville XX”
À l’écoute de ses projets, difficile de ne pas prêter attention à ses multiples références au 20ème arrondissement de Paris. Belleville, Ménilmontant : ces quartiers reviennent souvent. Et en bon témoin de son environnement, le MC compare régulièrement la capitale à une jungle dans laquelle il évolue au quotidien.
“Croise-moi dans les profondeurs comme un scaphandrier”, écrit-il dans Charbon et dévouement, tiré de Jungle Des Illusions vol. 2 (2024).
“C’est la gle-jun, on s’agrippe aux branches / Menil-Ville jusqu’à ce que les verres et les asticots mangent”, dans Système D du même projet.
Dans les deux Jungle Des Illusions, il peint un décor où la débrouillardise est de mise. Sur les prods de Kamal Bagdadi, il aime s’animaliser pour évoquer sa condition dans la société. Les cafards reviennent souvent dans ses textes, comme si son mode de vie faisait de lui un indésirable, une blatte parmi tant d’autres.
Philosopher le ventre plein
Écouter Jungle Jack, c’est entrer dans un univers bien singulier dans le monde du rap. Si son quotidien de bicraveur est exposé, sans être particulièrement original, d’autres thématiques le démarquent clairement de la scène actuelle. Très vite, on comprend que le gars vit pour la bonne bouffe et les bons spiritueux. Le cognac devient un véritable leitmotiv, au point de donner son nom à un projet : Cognac et Cigarette, en collaboration avec Jean Jass à la prod, sorti début 2025.
Sur ce projet, particulièrement, il se présente comme un épicurien, messager d’un certain style de vie :
“Paix à la Bourgogne, à la Charente / D’la bonne graille, des femmes charmantes”
“Si je meurs demain, j’ai vécu pleinement”
“Je buvais des trucs sales, j’ai évolué.”
– Le Bruit et l’odeur (Cognac et Cigarettes 2025)
Une écriture imagée, sur les prods drumless de Jean Jass, comme Sandra Gomes l’évoque dans un épisode du Code, qui laisse place à une forme d’introspection. Sans prise de position balourde, Jungle Jack semble prôner l’autosuffisance et une certaine connexion à la nature :
“Allongé dans des champs qui bourdonnent de vie”
“Cuisine les côtelettes avec le romarin du balcon.”
– Myazaki (Cognac et Cigarettes 2025)
“Je fais de la musique pour les esthètes”
À l’instar d’un certain Alpha Wann, la quête de l’élégance est une thématique récurrente chez celui qui se faisait appeler Jack Furax. Il ne sera sans doute jamais en tête des charts, mais il applique ce mantra de style dans son écriture, ce qui lui vaut un succès d’estime chez les fans de rimes riches.
On retrouve cette exigence jusque dans ses choix de featuring : le MC de Ménilmontant ne s’allie qu’avec des rappeurs partageant sa vision artistique. Dans son dernier projet en collaboration avec Hologram Lo’, Jungle Jack partage l’affiche avec Alpha Wann, Nucky Thompson, Huntrill, Lesram, autrement dit, des kickeurs qui placent la rime au centre du morceau.
Aux instrus, Lo l’emmène hors de sa zone de confort, mêlant boom bap et électro psychédélique, donnant une teinte nouvelle aux couplets de Jungle Jack. Rimes riches, images, métaphores et références qui grattent la tête de l’auditeur restent sa marque de fabrique. Avec la sensation qu’il perfectionne, disque après disque, son univers en restant fidèle à ce qu’il est : un rimeur à gages.